Par Tiphaine Granel le 22/01/16

Abrogation de la réponse fiscale Bacquet : conséquences et suites

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En 2010, la réponse ministérielle Bacquet est venue chambouler le droit des successions et des régimes matrimoniaux. Après 6 ans d’application, le 12 janvier dernier, Monsieur SAPIN a décidé d’abroger cette doctrine fiscale.

 

1.Retour sur la réponse ministérielle Bacquet

Dans la suite de l’arrêt Praslicka et des péripéties qui ont suivi, cette réponse a institué une doctrine s’appliquant aux successions d’époux mariés sous le régime légal de la communauté réduite aux acquêts.

RM bacquetAu décès du premier époux, s’il existe un contrat d’assurance vie non dénoué au nom de l’époux survivant, la valeur de rachat* de ce dernier doit être déclarée et imposée dans la déclaration de succession du premier époux. Cette doctrine ne s’applique que si ce contrat d’assurance vie a été souscrit au moyen de fonds communs.

Concrètement, au décès du conjoint du souscripteur du contrat d’assurance vie, le contrat non dénoué est considéré comme un actif de la communauté et doit faire partie de la succession du conjoint décédé pour moitié (s’il a été alimenté par des fonds communs).

Logiquement, les enfants sont donc devenus redevables de droits de succession sur les contrats d’assurance vie dont leur parent (l’époux survivant) était titulaire.

Cette réponse entraînait donc quelques soucis :

  • une double taxation des enfants: ces derniers acquittaient des droits de succession sur les contrats non dénoués (qu’ils en soient bénéficiaires ou non) et pouvaient de nouveau imposable sur les sommes perçues au second décès.
  • une confusion sur le statut de l’assurance vie: ce contrat est, classiquement, présenté comme étant hors succession et donc hors fiscalité successorale. La réponse Bacquet introduit donc une confusion sur le régime fiscal de l’assurance vie en matière successorale. (On peut se demander si la conséquence de la souscription est toujours bien expliquée…)
  • une distorsion selon le premier décès: si l’époux souscripteur du contrat décède le premier, le contrat est dénoué et échappe en totalité à la succession au niveau civil et fiscal. 

 

Néanmoins, cette analyse est tout à fait conforme au droit des régimes matrimoniaux. En effet, si l’assurance vie a été souscrite au seul bénéfice du conjoint survivant mais que son alimentation a été faite au moyen de fonds communs, une récompense est due par le conjoint survivant à la communauté. Cette récompense sera égale aux capitaux investis et capitalisés dans le contrat d’assurance vie non dénoué.

 

2. La remise en cause de la doctrine

Sur le plan civil, les principes de la liquidation des régimes matrimoniaux et notamment le principe de la récompense due par l’époux survivant n’est pas remis en cause.

Le communiqué du ministre de l’économie et des finances implique seulement une neutralité fiscale.

bacquetConclusion : le décès du premier époux sera neutre fiscalement pour les héritiers et notamment les enfants puisque l’époux survivant est déjà exonéré de droits de succession. L’imposition des enfants sera donc reportée au second décès.

Cette décision implique, tout de même, de la vigilance sur certains points :

  • le travail des notaires s’en trouvera compliqué avec une double liquidation successorale à effectuer (liquidation civile de la succession puis liquidation fiscale),
  • l’exigence d’une condition de requalification du contrat en bien propre ne devra pas être imposée : le contrat non dénoué est un acquêt de communauté, aucune dérogation n’est possible. Les époux ne peuvent pas faire d’un bien commun un bien propre,
  • les assureurs devront continuer à indiquer aux héritiers et aux notaires la valeur de rachat des contrats non dénoués lors de la liquidation civile de la succession. Dans le cas contraire, ils pourraient être considérés comme complice de recel de biens communs.

En tout état de cause, afin d’avoir une position claire et précise de la situation, il faudra attendre la publication de la position officielle du Ministère des Finances au BOFIP.

 

3.Les pistes pour neutraliser l’effet Bacquet

En attendant, afin d’éviter tout problème lors du règlement de la succession, voici quelques pistes pour contrer l’application Bacquet : (peut-êre vites caduques…)

  • la co-souscription du contrat d’assurance vie avec dénouement au premier décès: la co-souscription est à mettre en place à l’ouverture du contrat car une modification en cours de vie entrainera des frais et n’est pas simple à réaliser en pratique.

Attention : cela n’est possible que si le conjoint est bénéficiaire des capitaux. Chaque époux doit donc être assuré et bénéficiaire.

  • la rédaction d’bacquetune clause de remploi: si l’un des conjoints place des fonds propres (reçus par succession ou donation) sur un contrat d’assurance vie, il est utile d’insérer une clause de remploi afin de qualifier ce bien de propre. Le contrat échappera donc à la masse commune lors de la succession. 

NB : cette clause doit être rédigée à la réception des capitaux ou peut de temps après : nous contacter pour cela.

Ce type de clause fonctionne pour tout type de bien acquis ou financé avec des fonds propres.

  • l’intégration d’une clause de préciput: elle permet à l’époux survivant de prélever sur le patrimoine commun, et avant tout partage, un ou plusieurs biens.  

La clause peut concerner tout ou partie des biens.

Attention : si cette clause est intégrée après le mariage, sa rédaction devra se faire dans le cadre d’une modification du régime matrimonial. En présence d’enfants mineurs, il conviendra de recueillir l’accord du juge.

*valeur de rachat = somme dont vous pouvez disposer en cas de sortie anticipée de votre contrat d’assurance-vie (capital versé + produits du capital + charges du contrat).

Pour rappel, concernant les contrats dénoués (situation où le titulaire du contrat décède en premier), le montant du contrat est versé hors succession aux bénéficiaires.

 

Résumé de la situation

Hypothèse : couple marié sous le régime de la communauté réduite aux acquêts (régime légale depuis 1966).

Madame a souscrit un contrat d’assurance vie à son nom et l’alimente au moyen de fonds communs.

Monsieur décède le premier.

La valeur de rachat du contrat d’assurance vie au jour du décès est de 100 000 €.

Bacquet 2010

 

Bacquet 2016

 

Nous  pouvons vous assister et intervenir à chaque étape de la vie de votre contrat d’assurance vie pour vous aider à combattre les effets de la doctrine Bacquet. N’hésitez pas à nous contacter au 05-56-06-31-09.

 

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