Par Louis Alexandre de Froissard le 24/05/11

“Portugal, Irlande, Grèce…il faut restructurer les dettes” –

Le commentaire de Nouriel Roubini et Stephen Mihm

dettes

Malgré les plans de sauvetage de l’Union européenne et du FMI, les taux d’intérêt des prêts accordés aux pays les plus touchés par la crise de la dette (le Portugal, l’Irlande et la Grèce) ont explosé depuis quelques semaines. Et les taux sur la dette de l’Espagne sont aussi à la hausse. De fait la Grèce est insolvable. Même avec une aide à hauteur de 10%de son PIB, accompagnée d’un plan d’austérité draconien, sa dette publique s’élève à 1,6 foissonPIB. Le Portugal se dirige peu à peu vers la faillite. En Irlande et en Espagne, l’inscription des pertes colossales du secteur bancaire au budget de l’Etat s’ajoute à une dette publique qui va croissant.

 

La politique officielle ? le plan A? suppose non pas que les PIIGS (Portugal, Irlande, Italie, Grèce et Espagne) aient un problème de solvabilité, mais qu’ils manquent de liquidité, et que par conséquent les prêts de secours en leur faveur leur ouvriront à nouveau les portes des marchés. Cette stratégie est condamnée à l’échec. Parce que la plupart des mesures auxquelles les pays endettés ont eu recours dans le passé ne sont pas applicables.

 

Impossible de recourir à la planche à billets parce qu’ils sont prisonniers du carcan réglementaire de la zone euro. Il ne faut pas compter non plus sur une croissance rapide du PIB pour les sauver. Pour retrouver la croissance, ces pays doivent redevenir compétitifs en dévaluant leur monnaie, afin de transformer leur déficit commercial en excédent.

Mais l’euro est poussé vers les sommets par la politique monétaire de la BCE. Quant à la solution consistant à diminuer le coût du travail en maintenant la hausse des salaires à un niveau inférieur à la productivité, il a fallu plus de dix ans pour qu’elle porte ses fruits en Allemagne…

 

La dernière voie ? la déflation des salaires et des prix ? pour réduire les coûts, parvenir à une véritable dévaluation et restaurer la compétitivité plongerait ces pays dans la récession.

 

Diminuer les dépenses publiques et privées pour accroître l’épargne privée et appliquer des mesures d’austérité budgétaire ne convient pas non plus.

 

Si les PIIGS ne peuvent avoir recours ni à l’inflation, ni à la croissance, ni à la dévaluation, ni à l’épargne, le plan A ne peut qu’échouer. Il faut donc basculer vers le plan B : une restructuration et une réduction ordonnée de la dette publique et privée. Cela peut se faire de diverses manières, par exemple en rééchelonnant le calendrier de remboursement et en réduisant les taux d’intérêt. Cette solution limiterait le risque de contagion et les pertes des institutions financières.

 

Les dirigeants politiques ne doivent pas perdre de vue les innovations qui ont permis d’aider les pays en développement lourdement endettés lors des années1980et1990. Ainsi les détenteurs d’obligations pourraient être encouragés à les échanger contre d’autres liées au PIB. Ce type d’instrument transforme les créanciers en actionnaires, ce qui leur donnent droit à une partie des futurs bénéfices que réaliseront les pays concernés, tout en allégeant temporairement le fardeau de la dette de ces derniers. Ce n’est qu’une piste parmi d’autres.

 

Quoi qu’il en soit, l’Europe ne peut se permettre de continuer à jeter de l’argent par les fenêtres en priant pour que la croissance revienne miraculeusement. Aucun deus ex machina ne viendra au secours du FMI ou de l’Union européenne. Les créanciers et les détenteurs d’obligations qui ont été les premiers à prêter de l’argent doivent eux aussi  porter une partie du fardeau de la dette, cela dans leur propre intérêt et celui des PIIGS.

 

Article Les Echos du 23/05/2011

 

 

 

 

Nouriel Roubini et Stephen Mihm

sont coauteurs d’un livre intitulé

« Crisis Economics: A Crash Course

in the Future of Finance », qui vient

de sortir en édition de poche aux

Etats-Unis et en Grande-Bretagne.

Cet article est publié en collaboration

avec Project Syndicate, 2011.

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Louis Alexandre de Froissard
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