La DAO : Organisation autonome décentralisée

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La DAO : Organisation autonome décentralisée

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Le 28 mai dernier, la plus importante campagne de crowdfunding en ethers a pris fin. Plus de 12 millions d’ethers, soit environ 145 millions d’euros ont été levés en un mois auprès plus de 10 000 contributeurs. La société allemande Slock.it est à l’origine de cette levée de fonds afin de financer un nouveau projet ambitieux. « The DAO », organisation autonome décentralisée crée par Slock.it, a rendu possible cette levée de fonds.

Afin de comprendre ce projet, certaines précisions préalables sont nécessaires.

Explications

blockchainLe projet de la société Slock.it s’appuie sur la technologie blockchain. Cette technologie permet le stockage et la transmission d’informations de manière transparente, sécurisée et fonctionnant sans organe central de contrôle. La blockchain constitue donc une base de données contenant l’historique de toutes les transactions effectuées entre ses utilisateurs depuis sa création. Une blockchain fonctionne nécessairement avec une crypto-monnaie ou des tokens (jetons) afin de rendre possible les transactions. Le but de cette technologie est donc de procéder à des transactions numériques de manière sécurisée et ce sans passer par un tiers certificateur (exemple : un notaire pour un acte de vente).

La société Slock.it souhaite fournir au monde entier la future infrastructure d’économie collaborative. Pour ce faire, elle souhaite mettre en place une combinaison d’objets intelligents et d’applications afin de rendre possible la location, la vente ou le partage de n’importe quel objet et notamment les actifs sous-utilisés (voitures en stationnement, places de parking, appartements temporairement vacants) pouvant être connectés par Bluetooth, Wifi etc. La société Slock.it a utilisé la blockchain afin de mener à bien son projet. En effet, une fois qu’un lien entre l’objet et la blockchain est mis en place, il devient très simple de louer, prêter ou vendre cet objet, et ce avec les avantages de la technologie blockchain : sécurité, immuabilité et absence d’intermédiaire.

Ethereumpic1Afin de rendre possible ce projet, la société Slock.it a utilisé la blockchain Ethereum qui est une chaîne publique de blocs permettant la création par des utilisateurs de contrats intelligents, ou smart contracts, grâce à un protocole informatique. Chaque contrat est numérisé par un code qui contient toutes les conditions d’exécution du contrat en question. Ces contracts sont dits intelligents car lorsque les conditions d’exécution des engagements sont réalisées, ils s’exécutent automatiquement sur la blockchain en prenant en compte l’ensemble des conditions et des limitations programmées dans le contrat à l’origine. Ces contrats sont donc exécutés de manière autonome sans l’intervention d’un intermédiaire. Ils permettent d’exécuter automatiquement des accords préalablement formalisés entre deux parties sans que l’une ne puisse faire obstacle à son exécution et sans l’intervention d’un intermédiaire.

Afin que les transactions s’effectuent, Ethereum possède son propre token : l’ether ; qui permet d’effectuer des transactions sur la blockchain et de payer l’exécution des smart contracts.

smart-car-iotPour donner un exemple concret, imaginons un contrat de location. L’objet physique faisant l’objet du contrat est la serrure de la maison. Chaque utilisateur dispose d’une clé privée afin de s’identifier sur la blockchain. Si un utilisateur souhaite louer la maison, il peut signer le contrat en s’identifiant sur la blockchain avec sa clé. Une fois que le contrat est signé et que le prix de la location est payé (en ethers), le locataire arrive devant la porte de la maison. Il s’identifie avec sa clé privée. Le processus inclus dans la porte va alors se connecter à la blockchain. À cet instant, la blockchain vérifie que l’utilisateur est bien celui identifié dans le contrat contenu dans la blockchain. Si la réponse est positive, la porte s’ouvre durant toute la durée correspondant au paiement.

Afin de réaliser ce projet, Slock.it devait développer des concepts et des prototypes afin de connecter les objets à la blockchain et de mettre en place les smart-contracts. Elle a donc eu besoin de fonds afin de concrétiser ce projet.

Afin de financer ce projet, la société allemande a crée « The DAO » (decentralized autonomous organization). Cette organisation est le premier exemple de la blockchain Ethereum. À ce titre, elle fonctionne grâce à un programme informatique qui fournit des règles de gouvernance à une communauté. Les règles de gouvernance sont transparentes et immuables car elles sont inscrites dans la blockchain. De plus, l’organisation est complètement autonome.

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« The DAO » a pour objectif de financer et de gérer des projets proposés par des prestataires de services. Elle distribue également entre les actionnaires de la blockchain les droits sur la performance financière des projets financés.

La DAO est constituée d’une part par les détenteurs de tokens (jetons), qui sont les actionnaires de la DAO ; et d’autre part par les prestataires de services qui recherchent des financements pour leurs projets. L’organisation fonctionne comme un fonds d’investissement dans lequel n’importe qui peut devenir actionnaire en investissant des ethers dans la DAO. En contrepartie, les actionnaires reçoivent des tokens qui leur octroient un droit de vote pour décider de l’utilisation faite des sommes levées par la DAO et également le droit d’appréhender une partie des revenus attachés aux projets financés. Les actionnaires doivent donc décider à la majorité si les projets proposés seront financés avec les fonds détenus par la DAO.

Enfin, des curators sont présents sur la blockchain afin de vérifier que les propositions faites à la DAO émanent d’une personne ou d’une organisation réelle, et que les codes source fournis par les prestataires de services correspondent bien à ce que les prestataires proposent. Ils sont donc « garants » du bon fonctionnement de la blockchain et évitent le détournement de fonds. Ces curators ne remettent pas en cause le caractère décentralisé de la DAO car ils sont élus par les actionnaires de la DAO et peuvent être renvoyés à tout moment sans condition.

The DAO n’a donc pas de lien direct avec la société Slock.it car elle a pour objet de financer n’importe quelle proposition qui lui serait présentée par un prestataire de services. Si un projet est accepté, la DAO signe un smart-contract avec ce dernier afin de financer le projet en question. En contrepartie, elle reçoit un revenu indexé sur cette activité. Ce revenu est partagé entre tous les actionnaires de la DAO, c’est-à-dire tous ceux ayant investis dans celle-ci.

La collecte de fonds de la DAO étant terminée depuis le 28 mai, la société Slock.it va prochainement présenter son projet au vote des actionnaires de la DAO afin d’obtenir les financements nécessaires.

Pourquoi créer « The DAO » ?

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La DAO a de nombreux avantages par rapport à une entreprise classique.

Tout d’abord, étant complètement décentralisée, la DAO est un excellent support de la démocratie. En effet, ce sont les actionnaires qui prennent les décisions de gestion à la majorité sans aucune société de gestion qui ferait l’intermédiaire. L’absence d’intermédiaire permet par ailleurs un gain de temps et d’argent. La décentralisation de la blockchain permet également de protéger la DAO contre les défaillances (pannes) car la DAO ne peut jamais être arrêtée, ce qui assure une certaine fiabilité à la blockchain.

De plus, étant donné que les contrats sont immuables et enregistrés de façon irrémédiable dans la blockchain, les transactions effectuées sur la blockchain sont sécurisées et la corruption est impossible. Les décisions ne peuvent donc pas être altérées par quelque pression que ce soit.

La DAO offre également une transparence totale aux investisseurs sur les données qu’elle contient car le code de la blockchain est public et disponible pour tous les utilisateurs. Cette transparence permet de renforcer la confiance des investisseurs car ils ont tous connaissance de l’utilisation des fonds de la blockchain et peuvent vérifier de la bonne exécution des contrats.

Les risques

Les avantages de la DAO constituent également les risques de celle-ci. En effet, la DAO étant décentralisée, il n’y a aucun contrôle extérieur. Il n’y a pas non plus de cadre juridique. Ainsi, les smart-contracts n’ont aucune existence juridique. En cas de litige ou de fraude avec un prestataire de services qui ne réaliserait pas la prestation demandée, la DAO n’a donc aucun moyen de récupérer les fonds.

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La décentralisation de la DAO peut également poser certaines difficultés dans la prise de décisions de gestion. En effet, la majorité des actionnaires peut prendre une mauvaise décision de gestion (d’autant plus que tous les actionnaires n’ont pas forcément les compétences pour analyser les projets proposés). De plus, si les actionnaires ne s’entendent pas, aucune décision de gestion ne peut être prise et donc aucune action ne peut être entreprise. Il est, pour ces raisons, fort à parier qu’un cadre juridique sera surement mis en place autour de la DAO dans les mois qui suivent.

Le problème se pose également au regard des smart-contracts. En effet, ces derniers étant immuables, ils ne peuvent pas être modifiés après qu’ils aient été enregistrés sur la blockchain. À ce titre, la phase de conception des contrats nécessite une attention toute particulière.

Ces risques sont bien réels, comme en témoigne le piratage récent de « The DAO ». Plus de 3.000 millions d’ethers ont été volés, soit plus de 40 millions de dollars. Ayant débusqué une faille dans le code de la blockchain, le(s) hacker(s) ont pu transférer une grande quantité d’ethers vers un clone de la DAO.

Ce piratage a été identifié mais il n’a pas pu être contré car « le code est la loi » ; ce qui implique qu’aucune entité extérieure ne peut s’immiscer dans la gestion de la DAO.

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La solution proposée face à cette fraude est la mise en œuvre d’un fork. Un fork est une opération par laquelle les mineurs (personnes qui ont pour rôle de vérifier l’authenticité des transactions effectuées sur la blockchain) décident de modifier les règles applicables à la blockchain. Deux solutions ont été envisagées :

  • Le soft fork : les transactions sont bloquées depuis et vers les contrats de la DAO mais cette modification opérée sur la blockchain ne vaut que pour le futur. Cette solution permettrait simplement de bloquer les fonds volés afin de laisser du temps à la communauté des actionnaires pour trouver une solution.
  • Le hard fork: les transactions sont gelées depuis et vers les contrats de la DAO pour le futur mais également pour le passé. Cette solution permettrait de récupérer entièrement les sommes dérobées par les hackers mais elle fait exception au principe d’immuabilité de la blockchain car elle modifie la structure de la blockchain.

Ces deux solutions montrent bien les faiblesses de la DAO. D’un côté, en restant fidèle à l’immuabilité de la blockchain, les faiblesses du système peuvent apparaître comme en témoigne le piratage de la blockchain « The DAO ». D’un autre côté, la sécurité des investissements face aux fraudes nécessite une intervention humaine et donc une remise en cause de la décentralisation et de l’autonomie du système. Un cadre légal est surement nécessaire afin de trouver un juste milieu entre ces deux objectifs contradictoires.

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