Par Tiphaine Granel le 15/04/20

Dans un arrêt du 8 octobre 2014, la Cour de Cassation retient que sous l’égide du régime légale de la communauté réduite aux acquêts, le bien acquis par un époux avec des fonds propres mais sans déclaration d’emploi, ne prend, par subrogation, la qualité de propre dans les rapports entre époux que s’ils en décident ainsi d’un commun accord.

En l’espèce, un époux commun en biens avait vendu, durant le mariage, un immeuble lui appartenant en propre pour se servir du prix de vente afin de réaliser son apport à la constitution d’une SCI. En contrepartie de cet apport, il a reçu une centaine de parts sociales.

Lors du divorce, la qualification de ces parts a posé problème.

En effet, l’épouse considérait les parts de la SCI comme faisant parties de la communauté.

En appel, les juges du fond considèrent que le bien acquis par des fonds issus de la vente d’un propre sans clause d’emploi ou de remploi est propre à l’époux acquéreur.

Ils excluent ces parts de la communauté et les attribuent au mari détenteur des parts.

La Cour de Cassation casse l’arrêt de la Cour d’Appel au motif qu’à défaut de déclaration de remploi, lors d’une acquisition réalisée avec des deniers propres à un conjoint marié sous le régime légal, les biens acquis ne prennent, par subrogation, la qualité de propres dans les rapports entre époux, que si ceux-ci sont d’accord pour qu’il en soit ainsi.

L’accord des deux époux est donc indispensable pour que la qualification de propre s’applique à ce bien.

=> En conséquence, les parts sociales ayant été acquises en rémunération d’un apport en numéraire, ne peuvent pas, à défaut d’accord entre les époux, prendre la qualité de propres du mari.

La solution adoptée par la Cour de cassation se justifie par le fait que l’opération réalisée par l’époux ne participe pas des cas de subrogation réelle + pleins droits visés par l’article 1406 alinéa 2 du Code Civil (les créances et indemnités qui remplacent des propres et l’échange d’un bien propre prévu par l’article 1407, dans le cadre duquel le bien fourni en échange du propre doit être considéré comme un bien propre de l’époux ayant réalisé l’échange).

RAPPEL : une règle constante en droit français consiste à dire que la subrogation réelle de plein droit prévue par l’article 1406 alinéa 2 du Code civil ne joue pas en présence de numéraire.

En conséquence, un bien acquis avec des fonds propres constitue un bien propre s’il a été fait une déclaration d’emploi ou de remploi.

A défaut d’une telle déclaration, le bien n’est propre que si les époux le décident d’un commun accord, ceci n’ayant pas été fait les parts sociales de la SCI ne pouvaient prendre que la qualité de biens communs.

Une attention toute particulière doit donc être portée lors de l’investissement de sommes au cours du mariage.

Selon l’origine des fonds, le bien acquis pourrait échapper à l’un des époux lors du divorce.

Cette attention doit être surtout portée lors de la souscription d’un contrat d’assurance vie.

Dans les cas d’époux communs en bien, l’un peut souscrire un contrat d’assurance vie avec des fonds propres. Or, pour conserver la qualité de propre, le souscripteur doit rédiger une clause de remploi lors de la souscription.

A défaut, le contrat tombera en communauté et sera réputé appartenir pour moitié à chaque époux.

Au décès du souscripteur du contrat, le bénéficiaire désigné recevra le capital.

Dans le cas où le conjoint du souscripteur décède, la réponse ministérielle BACQUET de 2010 ne s’appliquera pas du fait du caractère propre des fonds.

Cette réponse ministérielle est venue chambouler l’univers de l’assurance vie. Dorénavant, quand une assurance vie est souscrite par un époux marié sous le régime légal et que les fonds servant à la souscription proviennent de biens communs, alors le contrat sera considéré comme un bien commun lors du décès de l’époux non souscripteur.

Cela signifie qu’en cas de décès de cet époux, le contrat d’assurance vie devra être réintégré pour la moitié de sa valeur de rachat dans sa succession.

A travers cette hypothèse, courante, nous voyons bien la nécessité de rédiger une clause de remploi lorsque des fonds propres interviennent dans une opération au cours de la communauté.
Dans le cas contraire, les conséquences successorales et fiscales peuvent être particulièrement lourdes.

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Tiphaine Granel
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