Le Bitcoin Policy Institute a organisé, le 11 mars 2025, le sommet intitulé « Bitcoin For America », réunissant experts et acteurs majeurs de l’écosystème pour discuter du rôle du Bitcoin dans l’avenir économique des États-Unis. À cette occasion, Michael Saylor, président exécutif et cofondateur de MicroStrategy, connu pour être l’un des plus fervents défenseurs du Bitcoin et pour avoir fait de cet actif la principale réserve de trésorerie de son entreprise, a prononcé le discours d’ouverture, partageant sa vision et ses convictions sur l’importance stratégique du Bitcoin pour l’Amérique.
Nous parlions récemment dans cet article de la vision opposée concernant bitcoin de chaque côté de l’Atlantique
Dans cette intervention marquante, Michael Saylor revient sur le concept de « réserve stratégique de Bitcoin », qui peut, au premier abord, sembler n’être qu’une simple accumulation d’un actif numérique. Mais pour ceux qui comprennent les enjeux profonds, cette réserve représente bien plus : elle constitue un stock de l’actif le plus rare et le plus précieux jamais créé par l’humanité. Cette approche ne se limite donc pas à une logique d’investissement, elle s’inscrit dans une stratégie de suprématie numérique pour les États-Unis au XXIᵉ siècle.
C’est d’ailleurs dans cette perspective que le Président des États-Unis a récemment annoncé la création d’une réserve stratégique de Bitcoin, affirmant avec conviction que l’Amérique deviendra la superpuissance du Bitcoin. Une déclaration forte, mais dont la portée réelle reste encore mal comprise par une grande partie de la population. C’est cette prise de conscience qui a poussé Michael Saylor à construire cette présentation :
Pourquoi le Bitcoin est-il essentiel à la prospérité et à la domination économique des États-Unis dans les décennies à venir ? (lien vers la vidéo de la conférence)
Bitcoin, le Capital Numérique
Dans cette première partie de son intervention, Michael Saylor pose les bases de sa vision du Bitcoin en tant que capital numérique, un concept central qui élève le Bitcoin au rang d’actif stratégique mondial, comparable, mais surtout supérieur , aux ressources naturelles traditionnelles comme le pétrole, le gaz ou l’uranium. Ce parallèle fort vise à souligner que, contrairement à ces ressources épuisables et soumises à des contraintes géopolitiques, le Bitcoin représente un capital universel, incorruptible et accessible dans le cyberespace.
Saylor va plus loin en chiffrant l’ampleur de ce potentiel : il envisage une valorisation future pour les États-Unis pouvant aller de 3 000 milliards à 106 000 milliards de dollars, rien de moins. Ce spectre colossal donne la mesure de l’enjeu : ceux qui s’empareront de cette réserve numérique domineront l’économie mondiale de demain.
Il prend l’exemple de MicroStrategy, son propre groupe, qui illustre cette dynamique de « recapitalisation en Bitcoin ». En quatre ans seulement, l’entreprise est passée de 250 millions à 4,5 milliards de dollars d’actifs, démontrant l’effet de levier incroyable de cette stratégie. Et la projection qu’il dessine est saisissante : dans les vingt prochaines années, ces entreprises pionnières pourraient détenir entre 20 000 et 40 000 milliards de dollars en Bitcoin.
À travers ces chiffres et ce raisonnement, Saylor ne parle plus d’une simple opportunité financière. Il parle d’une transformation structurelle de l’économie américaine, où le Bitcoin devient la clé de voûte d’un capitalisme numérique souverain, façonnant la puissance économique des décennies à venir.
Bitcoin, la Propriété Numérique
Dans cette seconde partie de son intervention, Michael Saylor renforce sa démonstration en présentant le Bitcoin non plus seulement comme du capital numérique, mais comme de la propriété numérique , une notion encore plus puissante et structurante dans sa vision.
Il utilise une analogie percutante : posséder 5 % de Manhattan depuis un siècle. Ce patrimoine exceptionnel, personne ne songerait à le vendre ; au contraire, on chercherait à le valoriser, le développer, et à en tirer des revenus constants. C’est exactement la manière dont il invite à penser le Bitcoin : non pas comme un actif spéculatif à revendre, mais comme une infrastructure numérique à exploiter sur le long terme.
Saylor projette alors un scénario ambitieux : dans 20 ans, les États-Unis pourraient générer 10 000 milliards de dollars par an en exploitant stratégiquement cette réserve de Bitcoin , en la louant, la finançant ou en la développant. Ce n’est plus seulement une question de richesse stockée, mais d’actif productif, capable de soutenir une nouvelle économie numérique.
Il va encore plus loin en liant cette vision à l’essor inévitable de l’intelligence artificielle. À terme, les IA, qui n’auront pas de compte bancaire, fonctionneront dans une économie native du numérique, où le Bitcoin s’imposera naturellement comme la réserve de valeur et l’infrastructure financière de référence. Dans ce futur, le Bitcoin devient non seulement la propriété numérique ultime mais aussi le socle monétaire de l’économie de l’intelligence artificielle.
Avec cette perspective, Saylor dessine une vision claire : posséder du Bitcoin aujourd’hui, c’est détenir une part d’un futur Manhattan numérique, un actif stratégique générateur de puissance économique et de revenus pour des générations entières.
Bitcoin, le Réseau d’Énergie Numérique
Michael Saylor élargit encore la portée du Bitcoin en le définissant comme un « réseau d’énergie numérique » , une vision qui dépasse la simple notion d’actif ou de propriété pour en faire une infrastructure stratégique vitale du monde de demain.
Le Bitcoin, rappelle-t-il, n’est pas seulement un moyen de stocker de la valeur ; il est aussi un protocole de transfert de valeur, capable d’opérer des transactions immuables, incorruptibles et inviolables à l’échelle mondiale. Saylor anticipe un futur où les banques du monde entier s’appuieront sur ce réseau pour régler des milliards de dollars en temps réel, bénéficiant d’une efficacité, d’une rapidité et d’une sécurité largement supérieures à celles des systèmes financiers actuels, encore dépendants d’infrastructures lourdes et vulnérables.
Mais là où son raisonnement prend une dimension géopolitique forte, c’est lorsqu’il évoque le rôle du Bitcoin face aux cyberattaques. Dans un monde de plus en plus numérisé, où la guerre économique et technologique se joue aussi dans le cyberespace, le réseau Bitcoin devient, selon lui, un véritable bouclier numérique. Sa structure décentralisée et sa robustesse cryptographique le rendent impossible à pirater ou à corrompre, même par une intelligence artificielle avancée.
À ses yeux, le Bitcoin s’érige donc en atout majeur de la défense nationale américaine : il protège non seulement les systèmes financiers, mais aussi les infrastructures commerciales et militaires des États-Unis. Ce n’est plus simplement un pari économique ou technologique : c’est une nécessité stratégique, un rempart contre les menaces futures dans un monde où la souveraineté se jouera aussi dans la maîtrise des réseaux numériques de transfert de valeur.
Le Marché Mondial et l’entropie du Capital
Poursuivant son intervention, Michael Saylor aborde la dimension macro-économique et patrimoniale du Bitcoin en s’attaquant à un enjeu majeur : la fuite et l’érosion du capital à l’échelle mondiale.
Il rappelle qu’aujourd’hui, 900 000 milliards de dollars de richesses sont répartis à travers le monde. Pourtant, la moitié de ce capital, censée représenter une réserve de long terme, se dégrade inexorablement sous l’effet des guerres, des catastrophes naturelles, de l’inflation ou encore des crises économiques et financières successives. Cette entropie du capital est une réalité qui menace la prospérité des nations et des investisseurs.
Face à ce constat, le Bitcoin apparaît dans son discours comme une solution révolutionnaire : un actif capable de protéger la richesse contre les ravages du temps et des aléas géopolitiques. Contrairement aux devises, aux actions ou même à l’immobilier , tous exposés à des risques financiers, politiques ou physiques , le Bitcoin s’impose comme une réserve de valeur sans risque de contrepartie.
Dans cette vision, détenir du Bitcoin, c’est se prémunir contre l’effondrement des systèmes traditionnels, c’est extraire son capital du cycle perpétuel de destruction et de dévaluation pour le placer dans un actif inaltérable, incorruptible et sécurisé par la puissance du réseau Bitcoin. Une véritable assurance patrimoniale à l’échelle mondiale, qui pourrait devenir le refuge ultime face aux incertitudes du siècle à venir.
La Grande Transformation du Capital
Saylor insiste sur l’ampleur historique de cette mutation : la numérisation de la musique ou des photos n’était qu’un prélude, un simple avant-goût de ce qui se joue aujourd’hui avec le capital. Le véritable basculement du siècle, c’est celui de la valeur elle-même qui devient numérique, transportable instantanément à travers le monde, sans dépendance à un État, une institution ou une infrastructure physique.
Dans cette vision, le Bitcoin s’impose comme le socle de ce nouveau capital numérique. Avec un marché mondial estimé à 450 000 milliards de dollars, même une fraction absorbée par le Bitcoin représenterait un transfert de richesse d’une ampleur inédite dans l’histoire économique. Et surtout, ce capital revêt des propriétés que jamais aucun actif traditionnel n’a pu offrir : immortalité, indestructibilité et portée globale.
Là où les entreprises, les immeubles ou les empires s’effondrent au fil des décennies, le Bitcoin est conçu pour durer mille ans. Investir dans cet actif aujourd’hui, c’est s’inscrire dans une vision patrimoniale transgénérationnelle, une réserve de valeur qui traverse le temps et les crises, résistant à l’épreuve des siècles là où la plupart des richesses humaines finissent par se dissoudre.
Bitcoin, le Capital Éthique et Souverain
Michael Saylor couronne sa démonstration en donnant au Bitcoin une dimension éthique et souveraine, soulignant ce qui le distingue fondamentalement de tous les autres actifs financiers ou patrimoniaux existants.
Il rappelle que le Bitcoin est le seul actif au monde que l’on puisse véritablement posséder en pleine propriété. En détenant ses propres clés privées, l’individu détient directement la valeur , sans dépendance à une institution financière, à un gouvernement ou à un tiers de confiance. Cette autonomie absolue, fruit de la conception même du Bitcoin, marque une rupture avec des siècles de dépossession progressive des citoyens sur leurs richesses.
Saylor rend hommage à Satoshi Nakamoto, qu’il décrit comme celui qui a redonné à l’humanité le droit fondamental de propriété numérique et offert une monnaie saine et souveraine, indépendante des politiques monétaires inflationnistes ou des risques de confiscation étatique.
Le Bitcoin devient ainsi, dans son discours, le réseau numérique le plus puissant jamais créé, alimenté par 20 gigawatts d’énergie et adossé à plus de 1 000 milliards de dollars de capital réel. Mais surtout, il fonctionne selon les lois de la gravité économique, tel un véritable puits gravitationnel newtonien : plus il accumule de valeur et d’adoption, plus il renforce son pouvoir d’attraction sur les capitaux mondiaux.
Déjà, observe Saylor, le Bitcoin aspire les capitaux des marchés traditionnels en déclin : l’immobilier surévalué, les obligations à risque, les devises fragilisées et l’ensemble des actifs hérités du XXᵉ siècle qui ne résistent plus aux tempêtes financières et à l’érosion monétaire. Le message est clair : le Bitcoin n’est pas seulement une alternative, c’est l’évolution naturelle du capital, vers un actif souverain, éthique et durable, taillé pour traverser les siècles et préserver la richesse dans un monde en pleine mutation.
La Place de l’Amérique dans la Course
Michael Saylor achève sa démonstration en projetant l’Amérique au cœur de cette transformation géopolitique et économique mondiale, soulignant l’enjeu stratégique de la décennie à venir : la course au capital numérique.
Avec des prévisions de croissance annuelle de 29 % sur les 20 prochaines années, il affirme qu’un Bitcoin valorisé à 13 millions de dollars l’unité n’a rien d’utopique. Ce scénario n’est pas une simple spéculation, mais une extrapolation logique si le Bitcoin poursuit son absorption progressive du capital mondial. Dans cette dynamique, Saylor trace une frontière nette : ceux qui adopteront le Bitcoin s’enrichiront et renforceront leur puissance économique, tandis que ceux qui resteront en marge s’appauvriront inexorablement.
Il prend soin de replacer le Bitcoin dans sa juste catégorie : le Bitcoin n’est pas une monnaie au sens traditionnel, il ne concurrence ni le dollar ni les devises nationales dans leur usage quotidien. Le dollar reste la monnaie d’échange, celle qu’on utilise pour les dépenses courantes. Mais le Bitcoin est du capital, une réserve de richesse à long terme. La métaphore est puissante :
- Pour quatre semaines en Argentine, on utilisera le peso ;
- Pour quatre ans, on se tournera vers le dollar ;
- Mais pour quarante ans, l’investisseur intelligent choisira le Bitcoin.
Le véritable champ de bataille du Bitcoin n’est donc pas le marché monétaire, mais celui des capitaux mondiaux : l’immobilier, les actions, les obligations. Aujourd’hui encore, le Bitcoin ne représente qu’une fraction infime, moins de 1 % du capital global. Mais la question que Saylor pose est lourde de sens : et demain ?
Il déroule alors sa Stratégie de Superpuissance Bitcoin, véritable feuille de route pour garantir la domination économique des États-Unis dans ce nouvel ordre mondial numérique :
- Contrôler la réserve de Bitcoin et sécuriser ainsi la base d’un capital indestructible ;
- Maîtriser le réseau énergétique numérique, pilier technique du fonctionnement du réseau Bitcoin ;
- Émettre des stablecoins adossés aux bons du Trésor américain, pour ancrer le dollar au cœur de ce nouvel écosystème numérique ;
- Attirer les capitaux étrangers en devenant le hub mondial de cette nouvelle forme de richesse.
Pour Saylor, l’intelligence artificielle va accélérer ce basculement : dans un monde dominé par l’IA et les réseaux numériques, le capital ne sera plus physique mais numérique, liquide et global. Ceux qui comprendront cette mutation dès aujourd’hui seront les grands gagnants de demain, façonnant un nouvel équilibre des puissances où la maîtrise du Bitcoin sera synonyme de suprématie économique et technologique.
Le Plan Lummis et les Gains Potentiels
Le Plan Lummis et les Gains Potentiels
Michael Saylor conclut son intervention par un appel clair à l’action, en évoquant le Plan Lummis, une proposition concrète incarnée par la « Bitcoin Act », qui vise à placer les États-Unis à l’avant-garde de cette révolution économique.
Le plan prévoit l’acquisition d’un million de bitcoins sur cinq ans, une stratégie ambitieuse mais réaliste compte tenu des enjeux. Selon Saylor, cette démarche pourrait générer 16 000 milliards de dollars de gains potentiels pour la nation. Et si ce plan était étendu, les bénéfices pourraient atteindre jusqu’à 106 000 milliards de dollars , une somme vertigineuse qui repositionnerait durablement les États-Unis comme la superpuissance dominante de l’ère numérique.
Il rappelle que le véritable génie ne réside pas dans les paris risqués ou les actions spectaculaires, mais dans la discipline d’une stratégie simple et régulière : acheter un peu chaque jour et ne jamais vendre. Construire progressivement cette réserve stratégique de Bitcoin devient alors un acte de souveraineté économique et de prévoyance historique.
Mais le temps presse. Saylor insiste sur l’urgence d’agir : ne pas devenir la superpuissance du Bitcoin, c’est laisser un autre pays , une autre puissance , s’emparer de ce levier de richesse mondiale, condamnant l’Amérique à la dépendance et à l’appauvrissement. L’histoire regorge d’exemples similaires : ceux qui ont ignoré les révolutions industrielles liées à l’or ou au pétrole ont sombré dans l’insignifiance économique et géopolitique.
Aujourd’hui, le choix qui se présente à l’Amérique est un choix de civilisation : embrasser le Bitcoin et prendre la tête de cette nouvelle ère, ou refuser ce virage et risquer la décadence. Dans la vision de Saylor, le destin des nations se jouera sur cette décision, et ceux qui comprendront les enjeux du Bitcoin écriront l’histoire économique du XXIᵉ siècle
*Article rédigé par Victor CHARLE le 25/03/2025.