Les retraites complémentaires (Agirc et Arrco) en danger !

 

cour des comptes

1. Un rapport bienvenu

Un récent rapport de la Cour des Comptes tire la sonnette d’alarme sur la situation financière de ces régimes de retraite complémentaire. En effet, le déficit de l’Agirc et de l’Arrco avoisinerait les 5,3 milliards d’euros pour la seule année 2014 !

Face à cette situation inquiétante, les partenaires sociaux avaient déjà pris des mesures en 2013. Ils avaient décidé du gel des pensions et une hausse des cotisations. Mais ce dernier rapport montre que ces mesures n’ont pas suffit à redresser la barre.

Par ce rapport plus qu’alarmant, la Cour cherche à éclairer les partenaires sociaux en vue des négociations qui débuteront en 2015.

2. Un constat rude…qui révèle des anomalies lourdes !

Durant 10 ans (entre 1998 et 2008), l’Agirc et l’Arcco ont accumulés d’importantes réserves financières qui devaient permettre de supporter le coût des départs en retraite des générations de l’après guerre sans emprunter. Mais depuis 2008 et la crise financière, ces ressources se sont nettement affaiblies.

La Cour prévoit un déficit de 15 milliards d’euros en 2030, portant le déficit cumulé à 100 milliards et à 390 milliards d’ici à 2040.

Les déficits successifs menacent donc d’épuiser les réserves accumulées. Si des mesures n’étaient pas prises rapidement, les réserves seraient épuisées en 2025 pour l’Arcco et en 2018 pour l’Agirc. Cela serait catastrophique pour des millions de personnes dans la mesure où ces pensions représentent un part importante de revenu pour de nombreux retraités.

agirc arrco
source: Les Echos

 

La Cour relève également que les coûts administratifs (coûts informatiques, dépenses de personnels…) sont trop élevés et participent à l’érosion des ressources financières déjà fragiles de ces régimes. En effet, la gestion de l’Agirc et l’Arrco est assurée par 37 institutions de retraite complémentaire ce qui implique des coûts forcément plus élevés (1,8 Md€ prélevés sur les cotisations en 2013 !). De plus, ces institutions sont, pour la plupart des groupes de protection sociale privés (Humanis, AG2R- La Mondiale, Malakoff-mederic….).

La Cour note que ces coûts de gestion sont supérieurs d’à peu prés 20% à ceux du régime de retraite de base (à périmètre et volume d’activités comparables).

Cette organisation décentralisée fait donc augmenter les coûts de gestion, ce qui ne serait pas le cas si une fusion était opérée et l’organisation réétudiée. L’organisation actuelle pénalise également l’Agirc et l’Arrco car il existe un réel défaut de recouvrement des cotisations (environ 2 milliard d’euros/an ne seraient pas payés par les employeurs).

Ces institutions bénéficient également d’une dotation de gestion prélevée sur les cotisations de retraite correspondant à la partie de leurs frais tenant à la gestion des retraites.

Cependant, ces charges de personnel (charges informatiques comprises) représentent environ 55% des coûts de gestion de ces régimes. Ce pourcentage équivaut à environ 1 milliard d’euros ! (d’après le rapport de la Cour des Comptes).

La répartition des charges des groupes de protection sociale, entre leurs activités lucratives et la gestion des retraites fait l’objet de tiraillements. « Quel assureur ne serait pas tenté d’imputer plus de frais à ses activités non-lucratives pour améliorer la rentabilité de ses centres de profits ? ».

Une réduction des coûts affectés aux caisses de retraite serait donc souhaitable. Alors que les régimes Agirc et Arrco réclament 300 millions d’euros d’économies aux groupes de protection sociale d’ici 2018, « La Cour estime qu’un objectif encore plus ambitieux devrait être fixé. Il permettrait de réaliser, d’ici 2020, 450 millions d’euros d’économies annuelles, se traduisant par une baisse de 25 % des coûts de gestion », recommandent les magistrats pour qui «une telle réduction des frais de gestion représenterait, en cumulé jusqu’en 2030, environ 6 milliards d’euros, soit 4 à 8 % du besoin de financement global des régimes selon le scénario retenu ». (Source : déontofi.com).

 

Autre source de déficit, la liquidation des pensions. En effet, elle serait affectée d’un taux d’erreretraiteurs élevé ce qui pénalise surtout les retraités.

 

Enfin, la fraude aux cotisations de retraite complémentaire provoque une énorme baisse des réserves. Cela est du notamment au contrôle des cotisations qui n’a jamais été mis en œuvre alors qu’une loi a été mise en place dans ce but en 2007.

 

La Cour des Comptes demande donc aux partenaires sociaux de prendre de réelles mesures et surtout des mesures drastiques afin que les réserves financières de l’Agirc et de l’Arrco ne soient pas totalement déficitaires d’ici peu de temps.

Elle conseil aussi aux partenaires de fonder les négociations sur des scénarios encore plus prudents que précédemment.

La Cour donne des pistes possibles pour redresser la situation économique de ces régimes complémentaires. Elle préconise de recourir à trois principaux mécanismes pour essayer de limiter la casse : diminuer le montant des pensions, augmenter le niveau des cotisations et reculer l’âge de départ en retraite. Sur ce dernier point, l’âge légal de départ à la retraite est, actuellement, de 62 ans. La Cour conseil de le repousser à 64 ans. Donc il faudrait travailler jusqu’à 64 ans pour pouvoir toucher sa retraite complémentaire.

3. Des mesures à prendre

Des mesures d’urgence doivent donc être prises mais cela ne sera possible que si chaque acteur de ce système participe aux efforts (salariés, employeurs et retraités).

 

Dans les orientations et recommandations, la Cour formule 8 orientations aux partenaires sociaux, qui comprennent entre autre:

– réexaminer dés 2015 l’opportunité d’appliquer la « clause plancher » qui limite les effets des sous-indexations de pensions décidées en 2013,

– mettre en œuvre dés 2016 un ensemble de mesurées dégageant un effort annuel de plus de 5 Md€ dés 2018, et un effort cumulé de plus de 120 Md€ à l’horizon 2030 ;

– renforcer la solidarité financière entre les régimes Agirc et Arrco parallèlement à un effort spécifique des affiliés à l’Agirc et, dans ce cadre, aller à terme rapproché vers la fusion des régimes ;

– fonder les négociations paritaires des régimes sur des scénarios économiques plus prudents.

 

Elle formule neuf recommandations aux gestionnaires des régimes et aux pouvoirs publics, visant notamment à :

– formaliser un cadre de concertation entre l’Etat et les partenaires sociaux sur l’évolution des paramètres d’intérêt commun aux régimes de base et complémentaires ;

– réduire au total d’au moins 25% les coûts de gestion à l’horizon 2020, soit un effort de 150 Md€ supplémentaires par an par rapport aux économies déjà décidées par les partenaires sociaux ;

– améliorer la qualité des liquidations et réduire les délais de paiement ;

-mettre en place le contrôle par les Urssaf des cotisations aux régimes complémentaires de retraite des salariés et autoriser l’accès des régimes aux renseignements obtenus dans le cadre de la lutte contre la fraude. »

 

retraite agirc arrco

 

 4. Conclusion : Ne pas perdre de temps et agir courageusement ?

Le problème des systèmes de complémentaire de retraite des salariés est symptomatique de l’état de notre protection sociale actuelle : créé au sortir de la guerre sur des équilibres qui ne sont plus le système et à bout de souffle. De plus le système paritaire vit toujours sur la bête, grassement. La nomination de Guillaume Sarkozy à la tête de Mederic n’en est que plus compréhensible !

Les institutions de prévoyance et autres organismes privés se servent du système pour gagner des parts de marché dans le système concurrentiel.

Il est important que les partenaires sociaux prennent en compte cette mise en garde et ces recommandations afin que les négociations se passent au mieux et débouchent sur une réforme efficace. Les syndicats ne doivent pas agir comme en 2013 et privilégier leurs intérêts avant ceux des adhérents (voir article le Pactole Syndical-> http://www.mon-patrimoine.fr/slider/le-pactole-syndical/ ).

Mais la tâche est compliquée, en effet, la croissance est faible et le gouvernement n’a pas aidé à combler les déficits. D’après la Cour des Comptes, les dispositifs mis en place par le gouvernement depuis 2012 (départ à la retraite anticipé par le biais du dispositif de carrière longue, compte pénibilité, modification de la prise en compte des trimestres maternité,..) vont creuser les comptes des complémentaires de 1,4 milliards par an d’ici 2020.

 Nous pensons toutefois, que encore une fois, les cadres et classes moyennes supérieures seront les seuls à faire les frais de ce système à la dérive…

A propos de l'auteur
Tiphaine Granel
Prendre rendez-vous