Par Louis Alexandre de Froissard le 8/06/21

 

PER : Une impréparation coupable des assureurs !

Quand le PER met en colère

PER : il y a de quoi s’énerver…

 

Introduction

Au 1er Octobre 2019 les compagnies d’assurances étaient unanimes : elles avaient bossé en amont et tout était prêt pour un lancement du PER sans heurts !  Nous étions circonspects : Il me revenait notamment l’expérience cuisante du lancement de la loi Madelin en 1994 avec l’ensemble des approximations qui avaient dominé les deux premières années de vie du produit.

Aussi après une analyse en règle des forces en présence lors du début du premier confinement nous avons sélectionné les produits et mis au point des webinaires avec nos clients (et écrit des articles ici ou ici ). Nous avons questionné les compagnies, scruté leur documentation marketing : tout y était nous pouvions nous lancer sereinement !

Quinze mois plus tard tout semble aller pour le mieux puisque Les Echos du 3 juin font une pleine page sur le succès du PER. Mais au-delà de cette autosatisfaction de façade il faut revenir sur les nombreux témoignages que nous recueillons d’une part et des difficultés croissantes que nous, intermédiaires, nous rencontrons

La base des problèmes semble reposer sur 3 facteurs-clés :

  • La plupart des collaborateurs des compagnies d’assurance était en télétravail. L’urgence était donc d’assurer au mieux le quotidien et non à traiter une vague de souscriptions et de transferts sans précédent.
  • Les équipes informatiques avaient été totalement dédiées à la mise en place du travail à distance, stoppant le plus souvent le développement informatique du nouveau produit.
  • Enfin comme dans la plupart des grosses structures françaises, on semble déceler depuis quelques années, une baisse générale de compétences et d’engagement de l’encadrement.

Aujourd’hui il n’est pas exagéré de dire que, concernant le PER, nous sommes victimes de la part des assureurs d’une impréparation coupable et que, bien sûr, elle était prévisible !

 

  1. 1. Une communication marketing coupée de la réalité

À lire les présentations marketing reçues entre Octobre 2019 et février 2020, le PER avait tout du produit d’épargne miracle et plus encore ! Je cite pêle-mêle :

  • Le produit unique pour préparer sa retraite : plus besoin de détenir un contrat Loi Madelin + un PERP : tous les versements ont lieu sur un même contrat. (En pratique c’est beaucoup plus complexe… hors de question de mettre 2 prélèvements sur un contrat)
  • L’absence totale d’intérêt de garder un PERP (Certaines compagnies les ont même transformé en PER In les PERP existants sans quasiment demander l’avis aux clients, ce qui est un abus coupable, voire même une perte de chance pour certains1)
  • L’avantage majeur du PER est sa sortie en capital à la retraite (Et bien non ce n’est pas forcément cela l’avantage majeur)
  • Les contrats permettent une sortie en capital fractionné y compris mensuellement (ça c’est un cauchemar voir infra)
  • Un produit et 2 fiscalités au choix, tout devient plus simple ! (Ça dépend pour qui et là nous allons avoir de sacrées surprises !)
  • Les transferts sont automatisés (en théorie !)

 

 

  1. 2. Un focus sur la collecte et non sur la qualité de service

Nous abordons ici le point le plus délicat de notre article.

Il nous semble évident que des choix ont dû être fait au niveau des ressources informatiques. De plus, la compétition que se sont livrés les assureurs pour être prêts « à date » a renforcé les approximations.

Nous avons été confrontés aux problèmes suivants :

  • – Incapacité de mettre en œuvre la sortie en capital fractionné avant janvier 2021 (pour ceux qui partaient à la retraite en 2020 ce fut une sacrée déconvenue…)
  • – La non connaissance du traitement fiscal d’une demande de rachat fractionné qui a amené un conseil déficient (voir infra)
  • – Services de gestion débordés à compter d’octobre 2020 avec un stress énorme sur les déductions fiscales de fin d’année et des erreurs non encore solutionnées. (qui va payer la perte d’opportunité pour le client ? )
  • – Des parcours digitalisés et automatisés qui plantent en pleine saisie (sans sauvegarde du parcours…) voire oublient de rappels de pièces manquantes…
  • – Incertitude sur le traitement fiscal des versements faisant appel aux fiscalité combinées Art 154 bis CGI ou Art 163 Quaterdecies CGI (Les imprimés de départ ne prévoyaient même pas la possibilité de verser selon 2 fiscalités différentes !)
  • – Les délais de traitement des transferts Art 83=> PERP => PER In (dans certains cas + de 12 mois)
  • – et bien d’autres…

 

  1. 3. Des épargnants négligés

Le temps nécessaire pour réaliser une affaire nouvelle a augmenté et surtout a amené de l’incertitude et de l’incompréhension pour l’épargnant.

Le client le plus malmené est sans doute celui qui avait prévu de liquider son contrat Loi Madelin ou PERP en 2020. Si l’on écoutait les conseils des équipes commerciales (soutenues par les services de formation)  il fallait absolument effectuer un transfert PER In puis demander une sortie en capital fractionné.

Prenons l’exemple d’une personne qui a demandé en juin 2020 son transfert Loi Madelin vers un PER In en espérant toucher sa retraite à la rentrée. Force est de constater que les compagnies ne possédaient même pas les imprimés ou la fonctionnalité permettant de mettre en place un rachat fractionné !

Dans le meilleur des cas le revenu a commencé à être perçu par l’épargnant fin 2020, voir début 2021. Mais souci avec un rythme incompréhensible. Ce que les assureurs n’avaient pas anticipé, c’est qu’à chaque demande de rachat partiel, l’assureur doit demander à l’administration fiscale quel est le taux de prélèvement à la source de l’épargne, et ce à chaque rachat.

Imaginez donc que, pour les rachats mensuels, cette demande doit être effectuée tous les mois. Le délai de réponse de l’administration fiscale varie de 3 à 5 semaines, mais il n’est jamais fixe. Ainsi, aujourd’hui encore, les épargnant qui ont demandé un rachat mensuel se retrouvent avec des revenus aléatoires.

Nous ne comprenons pas que les assureurs n’aient pas calé un système d’une plus grande simplicité avec l’administration fiscale dans le but d’un meilleur service pour tous. Un peu d’anticipation aurait permis d’enlever tous ces tâtonnements et surtout l’inquiétude grandissante et la grogne des épargnants.

 

PER PERP et Loi Madelin

Quelle sortie en capital ?

 

  1. 4. Une responsabilité démesurée pour les intermédiaires

Quant aux intermédiaires d’assurance, leur responsabilité est devenue grandissante. Prenons seulement les 3 points suivants.

a) Les alternatives lors des versements

Chaque versement offre le choix des trois fiscalités applicables c’est-à-dire :

  • – sans déduction
  • – avec déduction 154 bis CGi
  • – avec déduction 163 quaterdecies

L’assureur a laissé le choix aux contribuables ou à l’intermédiaire de faire les bons calculs. Si le contribuable ne pourra s’en prendre qu’à lui-même s’il choisit la mauvaise option, l’intermédiaire, lui a un devoir de vigilance accru. (Nous avions constaté nombre d’entrepreneurs non imposables avec des contrats retraite Madelin dans le passé, un défaut de conseil courant !)

 

b) le cas du versement sur un même contrat selon 2 fiscalités

Nous pouvons prendre l’exemple d’un chef d’entreprise dont la société est prélevée de sa cotisation régulière au titre de l’article 154 bis (ex madelin) , et qui de son côté fait des versement exceptionnels au titre de l’article 163 quaterdecies (ex PERP). En fin d’année la compagnie envoie une attestation unique de versement à l’épargnant. C’est à ce dernier ou à son conseil de déterminer quel montant il doit mettre dans chacune des cases concernées

NB : les compagnies proposent même un prélèvement unique (154 + 163), sur la société, et là encore, au comptable ou au conseil de se débrouiller !

Il en résulte là, encore une insécurité fiscale majeure.

Cette insécurité  doit être contrebalancée par un conseil plus pointu Ceci s’accommode mal de la baisse des frais réclamée par les experts en tout genre.

 

c) Le cas des transferts « abusifs »

Je rappellerai ici l’erreur faite par les compagnies qui ont transformé les PERP et PER In avec une information lapidaire des clients. Il en résulte pour certains une perte d’opportunité fiscale majeure de récupérer le capital afin d’acheter sa résidence principale à la retraite. En effet le PERP autorise un prélèvement fiscal de 7,5% là où le PER In impose à la tranche marginale.

Mais il y a aussi tous les contrats Loi Madelin possédant, pour certains, des garanties de taux, des garanties de table de mortalité ou d’autres garanties qui rendent inintéressant le transfert de ce type de contrat vers un PER In

Enfin nous pourrions également évoquer le risque marché. Une personne qui transfèrera son contrat Loi Madelin fonds euros, vers un PER In peu de temps avant sa retraite pourra y être très sensible. De fait, la plupart des compagnies souhaitent faire passer la part UC (volatile donc) à 30 ou 50% des versements voire des transferts. Il peut y avoir des réveils douloureux en cas de baisse des marchés.

 

Améliorer la souscription du PER In

A améliorer d’urgence

  1. 5. Ce que nous préconisons

Aujourd’hui il nous semble urgent de prendre des mesures à plusieurs niveaux :

  • Solutionner les problèmes nés de l’approximation initiale quitte à prendre en charge financièrement les désagréments subis par certains clients. La restauration de la confiance est à ce prix.
  • Mettre en place les développements informatiques nécessaires pour éviter les goulots d’étranglement actuels notamment sur la mise en place des rachats fractionnés.
  • Affiner les versements en double fiscalité (154 bis/163 quaterdecies) tant au niveau de l’alimentation des contrats qu’au niveau des attestations fiscales
  • Ne pas retenir les fonds destinés à un transfert vers une autre compagnie : certains acteurs attendent systématiquement le délai légal des 4 mois avant de réagir
  • Que les différents experts ou journalistes prennent conscience de la technicité et de la complexité du produit pour recommander le 100% conseils plutôt que le 0% de frais !

 

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