Par Louis Alexandre de Froissard le 24/05/13

Le pactole syndical

Cette façon de concevoir le dialogue social est catastrophique. Tirer parti de l’opacité, créer des situations de conflit d’intérêts, distribuer arbitrairement des rentes, détruit à juste titre la confiance envers les syndicats

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Syndicat, gros sous et mutuelles complémentaires santé

En matière de dialogue social la France a encore démontré son talent : un pas en avant pour trois en arrière.  Peu relayé dans les médias, une disposition très étonnante a vu le jour du vote de la loi sur la sécurisation de l’emploi votée le 14 mai. Cette disposition en plus de s’écarter du bon sens, s’écarte de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier, mais que nous apprend-elle ?

Initialement les entreprises avaient le libre choix du prestataire des complémentaires santé rendues obligatoires : « les partenaires sociaux de la branche laisseront aux entreprises la liberté de retenir le ou les organismes assureurs de leur choix. » Mais sa transposition en projet de loi par le gouvernement a introduit des « clauses de désignation » qui imposent désormais aux entreprises de recourir au prestataire retenu par les partenaires sociaux dans les négociations de branche, quand bien même les salariés seraient déjà couverts par des contrats d’assurance.

Or, au niveau des branches, les partenaires sociaux ont toujours privilégié l’attribution des complémentaires santé aux institutions de prévoyance dont ils assurent la gestion, au détriment des mutuelles et des sociétés d’assurances. Du coup, ces institutions de prévoyance ont acquis une position dominante sur le marché des contrats collectifs d’assurance-santé des salariés du privé.

Sachant que les primes en la matière représentent environ 30 milliards d’euros (soit 1,5% du PIB), on entend déjà nos syndicalistes-bureaucrates saliver. Tant pis si la protection accordée aux salariés coûte plus cher et si elle est moins large. L’important était que le gouvernement puisse claironner une remarquable avancée du dialogue social acquise en réalité à prix d’or.

Cette stratégie s’inscrit dans la continuité de la tradition française du deal en matière de dialogue social : le gouvernement octroie des rentes de situation à (certains) partenaires sociaux en contrepartie de la signature d’un accord qualifié d’« historique », mais qui, en réalité, va à l’encontre des intérêts de l’ensemble des salariés.

Cette façon de concevoir le dialogue social est catastrophique. Tirer parti de l’opacité, créer des situations de conflit d’intérêts, distribuer arbitrairement des rentes, détruit à juste titre la confiance envers les syndicats, déjà très faible en France. Cette conception du dialogue social mine toute possibilité de véritable réforme du marché du travail. Tant que l’essentiel des ressources des partenaires sociaux proviendra de rentes de situation issues de la gestion d’organismes paritaires dans les domaines des retraites, de la formation professionnelle ou de la prévoyance, ces derniers n’auront aucune incitation à réformer un système qui leur permet de survivre.

En somme nous avions 10% de charges supplémentaires par rapport aux Allemands, nous en aurons bientôt 15 à 20%.

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Louis Alexandre de Froissard
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