Par Tiphaine Granel le 30/04/15

Contrats luxembourgeois : quel super-privilège ?

assurance vie

L’engouement pour l’assurance vie Luxembourgeoise est un fait. En effet, depuis 2008, la collecte annuelle de l’assurance vie dans ce pays a connu une très forte hausse pour atteindre des niveaux proches de 20 milliards d’euros.

Cela est dû à plusieurs facteurs que vous retrouverez ici et notamment au super privilège. Ce dernier garantit que l’épargne capitalisée dans les contrats d’assurance vie de droit luxembourgeois soit totalement protégée.

crowdfunding protectionLes clients bénéficient d’une sécurité exceptionnelle en cas de faillite de la compagnie dans la mesure où ils priment sur les autres créanciers pour récupérer en priorité les créances relatives à l’exécution de leurs contrats d’assurance.

A noter, toutefois, que ce super privilège n’est pas individualisé mais global pour l’ensemble des souscripteurs. Cela signifie que le souscripteur d’un contrat investi dans un fonds interne dédié doit être traité comme le souscripteur d’un contrat investi dans un fonds interne à taux garanti.

Cette protection a tout de même des limites. Effectivement, le système luxembourgeois protège les actifs et non leur valeur intrinsèque.

Cela s’est vérifié avec les exemples de Landesbanki et Kaupthing dans lesquels certains souscripteurs ont perdu une partie de leurs avoirs car leurs actifs avaient perdu une grosse partie de leur valeur.

D’autres faillites, mais de dépositaires (banques) cette fois n’ont pas permis d’entacher la réputation de sécurité des épargnants. Les actifs n’ont pas eu de cotation le temps de trouver un nouveau dépositaire mais les assurés ont retrouvé leur polices et leurs fonds comme prévu.

Autre exemple de la limite à la protection des actifs au Luxembourg : Excell Life. En 2012, son agrément lui a été retiré du fait de la perte de valeur d’actifs détenus pour compte propre. La société a proposé des actifs risqués, assortis d’une garantie. Suite à la chute de Lehman Brothers elle a été appelée en garantie.

S’en est suivi une sous-couverture de la marge de solvabilité à un moment où un contentieux nécessitait des fonds propres supplémentaires. (Le superviseur luxembourgeois est très exigeant sur ce point)

L’actionnaire n’a pas pu renflouer la compagnie pour satisfaire aux règles de solvabilité, ce qui a mené au retrait d’agrément. Cela a conduit à une liquidation d’Excell Life.liquidation luxembourg

Dans un jugement de 2013, le Tribunal d’Arrondissement de Luxembourg-Ville a « autorisé la distribution de dividende intermédiaire à certains créanciers d’assurance ayant investi dans des actifs déterminés et pas à d’autres ».

L’affaire a été portée, par la suite, devant le Tribunal de Commerce de Luxembourg qui vient de se prononcer sur la portée du super privilège lié aux contrats d’assurance vie dans le cadre de la faillite de la compagnie.

 

La 15ème chambre du Tribunal a rejeté la procédure de tierce opposition introduite en 2014 contre le jugement qui autorisait les liquidateurs de la compagnie à faire les premiers remboursements à certains clients.

Les demandeurs étaient, évidemment, les clients n’ayant pas eu droit à une indemnisation en raison de leurs investissements dans un produit très risqué.

Par exemple, l’une des victimes avait investi plus de 70 000 € dans un contrat mais les liquidateurs n’ont admis que 51 000 € au passif. En effet, ces derniers ont pris en compte la valeur des fonds au moment de la liquidation et non avant.

De ce fait, plusieurs investisseurs vont se retrouver lésés et notamment ceux qui avaient des placements risqués.

L’impression donnée est que les clients ayant investi dans des produits risqués, bénéficient du super privilège uniquement à hauteur des valeurs liquidatives de leurs fonds. Ce qui semble cohérent pour certains et non pour d’autres.

Le périmètre du super privilège assorti aux contrats d’assurance vie de droit luxembourgeois est également rappelé : ce dispositif ne porte que sur les actifs sous-jacents d’un fonds d’investissement et pas sur l’ensemble des actifs de tous les fonds.

L’hypothèse du pot commun est donc écartée : le souhait des clients ayant souscrit à des fonds risqués, était que les sommes récupérées dans le cadre de la faillite aillent dans un pot commun et soient redistribuées aux clients au prorata des sommes investies.

Ce n’est pas ce qui a été rendu comme jugement.

L’affaire Excell Life pose la question de la protection des avoirs dans le cadre des contrats d’assurance vie de droit luxembourgeois. Il s’agit de savoir si en cas de faillite de l’assureur, les provisions techniques sont groupées (donc le risque de perte est mutualisé) ou si elles sont cantonnées fonds interne par fonds interne.

justiceD’après la loi, les risques doivent être communs, donc mutualisés entre les souscripteurs.Mais pour les juges, le principe de mutualisation des risques ne peut pas être invoqué dans le cas de placements ayant mal tournés pour certains clients. Les juges ne veulent pas gommer les différences en distribuant le même dividende à tous les créanciers quelque soit le profil de risque choisi. Donc les praticiens du droit optent pour le cantonnement du risque.

En cas de liquidation, que les actifs soient des fonds externes, des FID (fonds internes dédiés) ou des FIC (fonds internes collectifs), le traitement sera le même.

Concrètement, le FID et le FIC apportent plus de souplesse dans la gestion mais pas plus de sécurité en cas de faillite de la compagnie.

Cette affaire et ses rebondissements sont à suivre de prêt, car :

  • c’est la première à traiter du super-privilège en présence d’unités de comptes montrant au forte moins-value,
  • cela va donner une jurisprudence avec, une explication claire des conséquences du super-privilège,
  • les compagnies ayant cité les contrats luxembourgeois comme le luxe ultime en cas de faillite de l’assureur vont devoir revoir leur copie,
  • Enfin cela confirme, que comme en France, l’assuré dispose d’une créance sur la compagnie. La différence se situe au niveau des montants que l’on peut récupérer et de l’ordre de priorité des créanciers. A ce titre les assurés de contrats de droit luxembourgeois sont infiniment mieux protégés que ceux des contrats de droit français !

Du sport en perspective !

Nous vous tiendrons au courant, bien sûr, et appliquons déjà les conséquences de ce jugement à nos souscriptions, la suite (Lien vers partie privative du site à venir)

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Tiphaine Granel
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