Par Louis Alexandre de Froissard le 3/08/11

ISF, donations, successions, assurance-vie : les changements qui entrent en vigueur

 

La loi de réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune est parue ce week-end au « Journal officiel ». Les mesures sur les donations et les successions sont applicables depuis lundi. En la matière, les notaires ont connu un surcroît d’activité important en juin et juillet.

 

2011-08-04

 

ISF : la première tranche supprimée sans délai

La fin de la campagne ISF a été repoussée au 30 septembre en raison du processus d’adoption de la réforme. Dès cette année, les quelque 300.000 contribuables assujettis à l’impôt de solidarité sur la fortune disposant de moins de 1,3 million d’euros sont exonérés et n’ont pas besoin d’envoyer de déclaration (alors que le seuil d’entrée était à 800.000 euros avant).

Pour les autres, l’impôt à acquitter est le même cette année et les modalités de déclaration ne changent pas.

L’année prochaine, en revanche, il n’y aura plus que deux tranches (au lieu de six auparavant) : les patrimoines supérieurs à 1,3 million d’euros seront taxés à hauteur de 0,25 % sur l’intégralité de leurs actifs taxables (c’est-à-dire au premier euro), ceux supérieurs à 3 millions d’euros seront assujettis à un taux d’imposition de 0,5 %. Pour éviter les effets de seuil, le gouvernement a prévu un mécanisme de lissage : à 1,3 million d’euros de patrimoine, l’ISF à payer sera ainsi égal à 1.500 euros au lieu de 3.250 euros (si le barème s’appliquait directement). Par ailleurs, entre 1,3 et 3 millions d’euros, la déclaration de patrimoine sera simplifiée – il faudra donner le total et non le détail de la valeur du patrimoine – et couplée à celle des revenus. Au-delà de 3 millions, les modalités ne changeront pas. Enfin, le montant de la réduction d’ISF par enfant à charge sera porté de 150 à 300 euros, le champ étant élargi aux enfants majeurs poursuivant leurs études et aux autres personnes prises en charge par le contribuable. L’abattement de 30 % sur la résidence principale est inchangé.

Le délai entre deux donations défiscalisées allongé à dix ans

Il était possible depuis 2006 de transmettre en franchise de droits 159.325 euros tous les six ans (soit 637.300 euros pour un couple donnant à ses deux enfants). Ce délai passe à dix ans. La date d’entrée en vigueur est celle de la promulgation de la loi, c’est-à-dire le 29 juillet dernier, comme pour l’ensemble des mesures sur les donations et successions. Les donations consenties entre six et dix ans sont donc désormais réintégrées dans le calcul des droits de succession en cas de décès d’un donateur. Pour adoucir les effets de ce « rappel fiscal », il est prévu un lissage de manière linéaire. La mesure devrait concerner environ 30.500 successions chaque année. Le montant de ces successions portant sur des donations antérieures qui seront rattrapées par le fisc au moment du décès est de 287.000 euros en moyenne, selon l’étude d’impact de Bercy.

ISFLes dons en espèces encouragés

En contrepartie, le régime fiscal des dons en espèces aux descendants est assoupli. Il est désormais possible de renouveler tous les dix ans un don défiscalisé en numéraire, à concurrence de 31.865 euros par enfant et petit-enfant, ou, à défaut, neveu et nièce. Institués en 2007, ces dons n’étaient jusqu’ici autorisés qu’une seule fois, avec l’avantage, pour les contribuables, de ne pas entrer dans le cadre des rappels fiscaux : les montants donnés ne sont pas à déduire des abattements autorisés en cas de succession. Surtout, le plafond d’âge est désormais relevé de 65 ans à 80 ans pour les dons des parents à leurs enfants ou à leurs neveux et nièces. On comptait jusque-là 90.000 bénéficiaires par an (en 2009), un chiffre qui devrait logiquement nettement augmenter.

Les abattements pour âge supprimés

Les réductions de droits de mutation offertes en fonction de l’âge sont supprimées. Cela concerne la réduction de 50 % pour les donateurs âgés de moins de 70 ans et celle de 30 % pour les donateurs âgés de plus de 70 ans et de moins de 80 ans. Seule exception : les réductions pour les moins de 70 ans transmettant leur entreprise sont maintenues. Les abattements pour les moins de 70 ans bénéficiaient jusque-là à 14.600 personnes, pour un montant médian transmis de 150.000 à 190.000 euros (selon que la donation avait lieu en pleine propriété ou en nue-propriété). Le nombre de bénéficiaires baissait à 8.300 lorsque le donateur avait entre 70 et 80 ans.

Relèvement du barème des droits de succession

Les taux des deux dernières tranches du barème des droits de succession sont relevés de 5 points chacun. Les parts nettes taxables comprises entre 902.838 euros et 1,8 million d’euros sont désormais taxées à 40 % et celles supérieures à 1,8 million à 45 %. Sont concernés chaque année quelque 1.600 héritiers, pour un patrimoine moyen transmis par héritier de 1,6 million d’euros avant abattement. Les droits de deux enfants à qui sont transmis 8 millions d’euros augmentent par exemple de 8,6 %, à 1,18 million d’euros. Au titre des droits de donation, la mesure concernerait 720 donataires pour un patrimoine moyen transmis à chacun de 2,1 millions d’euros avant abattement.

Les gros contrats d’assurance-vie davantage taxés lors d’une succession

La taxation des gros contrats d’assurance-vie (à partir de 902.838 euros par part nette taxable) est portée de 20 % à 25 % à l’occasion d’une succession. Compte tenu des abattements (152.500 euros par bénéficiaire), les contrats visés sont ceux qui dépassent 1,05 million d’euros par héritier, en ligne directe ou indirecte. Pour un contrat d’assurance-vie de 3 millions d’euros transmis à deux enfants, le surcroît d’impôt représente 22.000 euros, à 291.000 euros. Soit un taux d’imposition de 19,4 % au lieu de 18 %.

L’« exit tax » en vigueur depuis… mars

Pour éviter que des particuliers (entrepreneurs, notamment) établissent leur résidence fiscale à l’étranger dans le seul but d’échapper à l’imposition de leurs plus-values en France, une « exit tax » de 19 % (à laquelle s’ajoutent les prélèvements sociaux) s’appliquera au moment de l’exercice de la plus-value. Elle portera seulement sur la part de la plus-value qui avait été réalisée en France. Au bout de huit ans de détention néanmoins, la plus-value sera exonérée, comme c’est le cas dans l’Hexagone. Pour éviter des départs avant la publication de la loi, Bercy avait indiqué qu’elle s’appliquerait dès l’annonce de la mesure, soit à compter du 3 mars dernier.

Bouclier, droit de partage : rendez-vous en 2012

Le droit à restitution au titre du bouclier fiscal subsistera en 2012 pour un contribuable dont les impôts 2011 excéderaient 50 % des revenus 2010. Mais, en pratique, Bercy n’enverra plus de chèques parfois considérables aux intéressés : ils devront « autoliquider » leur bouclier en réduisant d’eux-mêmes l’ISF qu’ils verseront en 2012. Une autre mesure interviendra l’année prochaine : la hausse de 1,1 % à 2,5 % du droit de partage (partage des biens à l’occasion d’un divorce, d’une sortie d’indivision, etc.). A moins que le Parlement ne revienne en arrière cet automne, la mesure suscitant un fort mécontentement (lire ci-dessous).

 

ÉTIENNE LEFEBVRE

 

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