Par Tiphaine Granel le 12/03/15

Obtenir des liquidités : distribution de dividendes ou réduction de capital ?

dividendes

Jusqu’à aujourd’hui pour distribuer des résultats (ou des réserves) on utilisait classiquement les dividendes. Nous avons vu dans d’autres articles que pour le gérant de SARL cela pouvait être moins efficace qu’une prime.

 

I) La classique distribution de dividendes…

Pour obtenir des liquidités, une société procède, en général, à une distribution de dividendes. Cela implique qu’une partie des bénéfices réalisés par une entreprise est distribuée au profit de ses actionnaires.

Depuis le début de l’année 2013, il n’est plus possible d’opter pour le prélèvement forfaitaire libératoire. Ce dernier permettait aux contribuables touchant beaucoup de dividendes et imposés à des TMI hautes de bénéficier d’une taxation forfaitaire à un taux d’impôt réduit. Ce taux était, par exemple, de 21% en 2012.

Les dividendes perçus depuis le 1er janvier 2013 sont donc, désormais, soumis à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des « revenus de capitaux mobiliers ».

Au moment du versement de dividendes, la société doit déduire un prélèvement forfaitaire de 21% (prélèvement non libératoire). Ce dernier constitue un acompte de l’IR.

En clair, les dividendes sont imposés au barème progressif de l’impôt sur le revenu après application d’un abattement de 40% et le prélèvement forfaitaire de 21% vient diminuer l’IR ainsi calculé.

A savoir : dans les SARL, les dividendes peuvent, en plus, être soumis à charges sociales (avec une CSG à 8%).

Dans le cas où l’IS a déjà été réglé, le calcul correspond à ceci par exemple :

fisca réduction dividendes

 

 

 

 

Cette fiscalité relativement lourde explique que de nombreuses sociétés renoncent à distribuer leurs dividendes.

Depuis peu, une autre alternative est possible : la réduction de capital.

 

II) … concurrencée pour l’alléchante fiscalité de la réduction de capital

Désormais, les actionnaires peuvent obtenir des liquidités avec une fiscalité plus légère, en passant par une réduction de capital. Ce procédé permet de réduire (directement ou indirectement) le montant des capitaux propres au-delà de la distribution normale de dividendes.

Attention : cela ne vaut que pour les sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés.

Cette « nouvelle » fiscalité date de 2014 après que le Conseil Constitutionnel ait été saisi d’une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) qui a débouché sur une décision entérinée par la loi de finances rectificative pour 2014.

Avant cela, le régime applicable à une réduction de capital était le suivant : une partie de la somme reçue était exonérée dans la mesure où il s’agissait simplement du remboursement du capital investi au début.

L’autre partie était considérée comme un gain, assimilé à un dividende, donc taxable à l’IR (après application d’un abattement de 40 %) et aux prélèvements sociaux.

Par ailleurs, il existait une différence de fiscalité entre les sociétés cotées et non cotées. Les gains générés par une société cotée étaient soumis au régime des plus-values de cession de valeurs mobilières.

C’est cette différence de traitement qui a conduit à la décision du 20 juin 2014 dans laquelle le Conseil Constitutionnel a estimé que dans le cadre d’une réduction de capital, les gains devaient être soumis au régime des plus-values mobilières, que la réduction soit motivée, ou non, par des pertes.

Donc depuis le 1er janvier 2015, lorsqu’il est procédé à une réduction de capital, c’est le régime des plus-values mobilières qui s’applique.
réduction capital

La fiscalité est allégée étant donné que les plus-values mobilières profitent d’abattements pour durée de détention :

-actions détenues depuis plus de 2 ans et moins de 8 ans : abattement de 50%

-actions détenues depuis plus de 8 ans : abattement de 65%

Pour certaines PME de moins de 10 ans, un régime d’abattements majorés s’applique :

-titres détenus depuis plus d’1 an et moins de 4 ans : 50% d’abattement

-titres détenues depuis plus de 4 ans et moins de 8 ans : 65% d’abattement

-titres détenus depuis plus de 8 ans : 85% d’abattement

 

La réduction de capital peut être directe ou indirecte:

-si elle est directe : une assemblée générale extraordinaire décidera de la réduction.

-si elle est indirecte : cette assemblée générale autorisera le mandataire social à proposer aux associés le rachat de leurs titres en vue de leur annulation. Chacun d’entre eux peut accepter ou refuser.

 

III) Mise en garde concernant la réduction de capital

Ce procédé d’obtention de cash est tout à fait légal mais il faut toutefois être vigilant. Si tous les actionnaires reçoivent proportionnellement la même somme, l’administration fiscale pourra intervenir afin de savoir pourquoi une distribution de dividendes n’a pas été faite.

Pour pouvoir exercer une réduction de capitale sans soucis, il faut que les sommes versées aux actionnaires dépassent ce qui aurait été versé en cas de distribution de dividendes.

Une société peut réduire son capital autant qu’elle le souhaite mais si cela devient trop récurrent, cela ressemblera à une distribution de dividendes et l’administration fiscale pourrait intervenir.

En cas de recours à cette technique, il faut donc être extrêmement vigilant et ne pas abuser de l’opportunité qui est offerte.

D’autre part, nous conseillons de profiter de ce système rapidement, mais prudemment, car nous ne savons pas comment cela va évoluer.

La réduction de capital parait donc être le meilleur moyen pour obtenir du liquide sans subir la fiscalité très lourde des dividendes mais il faut utiliser ce procédé uniquement aux titres détenus depuis minimum 2 ans (ou 1 an pour les PME bénéficiant de l’abattement majoré).

Si les titres sont détenus depuis moins longtemps, il sera fiscalement plus intéressant de distribuer les dividendes, dans la mesure où le régime des plus-values mobilières ne s’appliquera pas.

 

IV) Illustrations
tableau dividendes reduc capital

 

 

Lecture du tableau : prenons l’exemple d’un actionnaire imposé à 30% et ayant touché 100 :

-par une distribution de dividendes : au titre de l’IR et hors prélèvements sociaux, l’imposition sera de 16,47%

par le biais une réduction de capital (cession classique) avec une détention de moins de 2 ans : au titre de l’IR et hors prélèvements sociaux, l’imposition sera de 28,47%.

Dans ce cas, une distribution de dividendes est fiscalement plus intéressante pour lui.

-par une réduction de capital en détenant ses titres depuis 7 ans : au titre de l’IR et hors prélèvements sociaux, l’imposition sera de 13,47%.

  • Une réduction de capital est donc plus intéressante au-delà de 2 ans de détention.

 

tableau dividendes reduc disponibles

 

 

Lecture du tableau :

 Dans le cas d’une distribution de dividendes, un abattement de 40% est appliqué.

Si les dividendes distribués sont de 100, l’imposition sera calculée comme suit : 

IR : 60 (taux après abattement) x 41 % (TMI) = 24,6%.

Si on rajoute les 15,5% de CSG, on arrive à 40,1% (24,6 + 15,5) de prélèvement au total.

Autrement dit, il restera 59,9% de disponible sur le montant des dividendes versés.

  • Avec une TMI à 30%, le montant total de prélèvement sera de 33,5 % (60 x 30% = 18 % + 15,5 %), soit 66,5% de disponible.

Dans le cas d’une réduction de capital :

Un associé imposé à la TMI à 30% reçoit 100, il a détenu ses titres durant 5 ans.

L’imposition se calculera comme suit : 50 (base IR pour une durée de détention de 5 ans) x 30 (TMI)= 15%.

A cela s’ajoute les 15,5% de CSG donc l’imposition totale s’élèvera à 30,5 %. Soit 69,5% de disponible.

  • Si ce même associé est imposé à la TMI à 41%, le prélèvement total serait de 36% (50 x 41%= 20,5 % + 15,5% = 36). Soit 64% de disponible sur le montant total reçu lors de la réduction de capital.

L’ensemble de ces exemples montre bien que si la durée de détention est supérieure à 2 ans (ou 1 an pour les PME nouvelles), la réduction de capital est fiscalement beaucoup plus avantageuse que la distribution de dividendes.

 

 

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